Rétro à tous les amis ! Une nouvelle fois, c’est le No Bloody Knows qui vient vous parler et aujourd’hui, nous allons nous intéresser de près à un cas particulier du cinéma. « Eraserhead », ou quand les œuvres sans le sou deviennent mythiques !
Fauché et sans idée ?
Il est évident qu’aborder le manque de budget conduit souvent à des conclusions bien trop hâtives. Cependant, les arguments sont recevables ! Combien de “Soldat Cyborg”, “Urban Warriors” ou “Hawk’s Vengeance” ornent les rayons des magasins dont le nom est toujours une variante composée de “cash” ?
Et encore, ce n’est pas comme si nous oserions vous évoquer les suites improbables, à l’image de “Titanic 2 “ (si, si !) ou le moins glamour “Bloodsport 2”. On vous l’avoue à demi-mot : oui, nous avons vu l’ensemble de ces monstruosités !

Tout le monde n’a pas ce génie inhérent à David Lynch. La preuve en est avec l’attendrissant Ed Wood, alias “le pire réalisateur du XXème siècle”. A titre posthume, évidemment. Un véritable cas d’école, et un réalisateur qui multiplie les boulettes comme les erreurs de cadrage ou une direction d’acteurs inexistante. Même s’il aura réussi à faire jouer le fabuleux Bela Lugosi pour son métrage le plus connu, à savoir “Plan 9 from Outer Space”, le camarade Ed aura bénéficié de budgets ridicules. D’ailleurs, les décors foireux et les effets spéciaux sont les meilleures représentations d’une réalisation aussi kitsch que… fauchée, vous l’aurez saisi.
Du génie de Eraserhead
Néanmoins, Ed Wood trouvera son moment de gloire, notamment à travers les yeux bienveillants du sieur Burton qui lui offrira un film éponyme. Et finalement, la filmographie du compagnon se retrouve réhabilitée, en quelque sorte. Car Ed y croyait et transpirait l’émotion, certes maladroite. Par précaution, nous ne nous étendons pas sur sa fin de carrière, liée au tournage de films à caractère pornographique… remarque : plus de problème de budget lié aux costumes nous diriez-vous !
Mais le 7ème art ne le serait pas sans des coups d’éclat. En ce sens, David Lynch nous impressionnera éternellement.
Certes, l’ensemble de son oeuvre peut être contesté voire obscur. Toutefois, impossible de nier le talent à l’état brut lors de la réalisation de son premier film, le fabuleux « Eraserhead ».
Bon d’accord, la pellicule fait parfois un peu flipper et expliquer le scénario tient de la gageure. Les yeux écarquillés, vous regarderez « Eraserhead » avec fascination ou au contraire dégoût. Ou bien… carrément les 2 ! Néanmoins, si vous tentez l’expérience, sachez que le deus ex machina est de la partie et que le dernier quart d’heure sera salvateur pour la compréhension générale !

Eraserhead : L’éloge désaffectée
Disserter sur la qualité intrinsèque du métrage n’est cependant pas l’objet de notre article. Ce qui compte réellement est la construction de celui-ci, de l’écriture à la réalisation. Film “coup de poing”, « Eraserhead » fut le fruit d’un travail long. Très long ! Nous savons que David Lynch aime prendre son temps, mais plus de 5 années, cela pique un peu.
Seconde constatation : cela part… de rien. Ou si peu. Un scénario tenant sur une petite vingtaine de pages et un tournage entre cave et locaux déserts de l’American Film Institute. Oui, nous sommes loin des frais engagés pour le cultissime “Dune”. Petit aparté : Denis Villeneuve, tu n’auras pas le droit à l’erreur…
100 000 dollars, un somme famélique pour espérer exister dans le monde de la pellicule. Et pourtant, David Lynch réussira cet exploit. Sans doute grâce au mystère qui entoure les connexions de son cerveau et aussi en raison de la singularité de l’oeuvre. Mais « Eraserhead » est aussi, paradoxalement, devenu un objet d’adulation grâce à son mode de distribution, particulièrement underground. Point de diffusion à grande échelle, juste une programmation nocturne dans les salles de cinéma !

Fauché mais pas coulé
Nous sommes en 1977 et « Eraserhead », en marge des blockbusters d’Hollywood, démarre sa carrière d’oeuvre estimée. Jusqu’à en devenir une star du “midnight movie” ! La performance est d’autant plus marquante : David Lynch, omniprésent, occupe la plupart des postes.
De l’écriture à la caméra, en passant par la conception sonore, les décors et le montage : l’homme est partout. Le début d’une grande carrière et une claque magistrale. Tout comme un pied-de-nez à l’industrie. Oui, « Eraserhead » fut conçu sans des moyens colossaux. Et pourtant, au box-office, c’est un triomphe expérimental. 3 000 000 dollars amassés et une base pour la filmographie de Lynch, probablement marquée au fer rouge par ce coup de maître.
Sans hésitation, « Eraserhead » prend place aisément sur le podium de l’ensemble du travail de Lynch. Un drame horrifique qui pose les premiers concepts inhérents au réalisateur. Un claquot suivi d’un uppercut. Après nous avoir mis dans les cordes suite au visionnage, nous sommes tout simplement envoyés au tapis lorsque nous prenons conscience, hagards, des conditions de création.

Minutes to Midnight
Du noir et blanc qui percute et une caméra caressée avec amour pour une utilisation des plans toujours juste. Quitte à maquiller le vide environnemental, parfaitement mis en valeur au service du film. Intense, à l’instar de la performance purement stratosphérique de l’acteur Jack Nance dont le regard de l’affiche en glacera plus d’un.
Des inspirations aussi, à la Buñuel, et une malaisance permanente. Dérangeant à souhait, « Eraserhead » vous laissera une trace indélébile. Et finalement, c’est cela qui efface le manque de moyens. Mieux : cela offre un onirisme cauchemardesque. Parfois difficile à regarder, le film n’épargne que très peu le spectateur et c’est en cela qu’il n’est pas à mettre entre toutes les mains. De plus, la portée n’atteindra pas tout le monde.

Si « Eraserhead » est un film puissant, il n’hésite pas à flirter avec l’épouvante. Le difforme et les monstres, le sang et une oeuvre barrée qui copule avec l’inconscient. Bourré de thèmes forts, « Eraserhead » sait jouer de sons simples pour évoquer le sordide. C’est aussi cela qui fait la magnificence de la création : ce qui ne peut être montré, faute de budget, vous l’imaginerez. Avec terreur et effroi. .
Nul besoin dès lors de vous en dire plus. A vous de vous laisser séduire par les atrocités si poétiquement mises en scène. Avec 3 fois rien…
A bientôt, amis lecteurs. Si le concept vous plaît, le duo du NBK se fera un plaisir de vous parler à nouveau de productions certes limitées par le défaut d’argent, mais brillantes ! “De l’éloge des loges des œuvres fauchées”, une nouvelle chronique ? A vous de décider, public adoré !
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