Abandons, projets avortés et échecs cuisants ? Une bien mauvaise coutume dans le 7ème art ! Aujourd’hui, le NBK revient sur l’objet fascinant qu’est Dune, oeuvre réputée inadaptable sur le grand écran. A juste titre ?
L’épice du génie
Résumer l’intégralité de l’univers imaginé par Frank Herbert, ne serait-ce pas un sacerdoce ? Non, on parlerait bien plus d’ambition stratosphérique vouée à un probable échec si la ténacité devient la norme.
Pour faire simple, nous optons pour les grandes lignes tout en vous invitant à découvrir l’ensemble des romans. Sachez que ceux-ci appartiennent à un cycle, dont la conclusion fut portée par le fils de Frank Herbert, celui-ci ayant rendu l’âme. D’ailleurs, le fiston sera aussi à l’origine de sous-cycles (oui, c’est compliqué de tout suivre !). Soyons francs : c’est bien moins inspiré que le paternel !
Toujours est-il que le roman sobrement intitulé “Dune” est le premier de l’ère. Et celui-ci dispose d’une géopolitique, de concepts et de conflits complexes ! C’est probablement en cela qu’aucun être humain ne cherche à adapter l’intégralité de l’épopée. Et ce choix est assurément le plus efficient.

Point de volonté de spoil ici et nous vous laisserons le soin de découvrir la portée de l’écrit. Il s’agit plutôt de s’intéresser aux essais cinématographiques portant sur la volonté de retranscrire Dune à l’écran. Sans entrer dans la critique pure mais bien plutôt en s’intéressant à l’enrobage. Ainsi, nous ne traiterons ici que du cinéma, délaissant séries ou jeux vidéo (bien que deux d’entre eux méritent le détour !).
Cependant ce n’est pas le sujet…
Jodo rookie ?
Et c’est alors qu’arriva l’un des plus grand projets de tous les temps. Un consortium sorti de nulle part, un producteur made in France (Michel Seydoux) faisant appel au fantasque Alejandro Jodorowsky et voilà Dune dans la spirale d’une production franco-chilienne. Qui fait encore fantasmer les générations. Et pourquoi donc ?
Rien que pour le travail de préproduction. Une gestation intensive de 1973 à 1977. Un projet complètement fou entre les mains du non moins barré Jodorowsky, préparant une vision sous trip de l’original. Car oui, le réalisateur touche-à-tout (entre la poésie, scénarii de bandes dessinées, romancier) est empreint de goût pour l’ésotérisme. Et se montre plein d’ambition(s).

Carte blanche de la part de Michou, et voilà le projet sur les rails. Première particularité : le créateur veut en quelque sorte recréer Dune, ne laissant pas l’ombre de Herbert l’envahir. Déjà sur le pont pour El Topo ou encore La Montagne Sacrée, voilà l’occasion d’un film-trip où le LSD prend ton son sens. D’ailleurs, le récit n’est-il pas la quête d’une épice qui augmente la conscience universelle ? Tel est le message prophétique.
Tombé Dune ciel
Et pour réussir un tel pari, il faut que la folie soit douce. Et emmener une dream-team avec soi ! Ainsi rien que la réunion représente un tour de force. En premier lieu, le Français Moebius est invité à la fête. Son rôle ? Le story-board et la représentation des délires de Jodorowsky dans un premier temps ; puis cela s’enchaîne avec la conception des costumes et la représentation visuelle des Atréides.
Giger sera embauché pour la vision plus sombre, notamment de la famille Harkonnen (“les bad guys”). Et Foss pour la conception des vaisseaux. Tous ces noms sont des pointures, et leur futur sera glorieux ! Dune est lancé sur les chapeaux de roue, avec un cartel de génies du visuel. Il ne manque plus que les effets spéciaux et c’est Dan O’Bannon, alors inconnu et ayant oeuvré pour les débuts de Carpenter, qui sera l’heureux élu. En effet Douglas Trumbull, ayant officié sur 2001 l’Odyssée de l’Espace, finit hors-course. Une question de mental dira-t-on. Toujours est-il que quelques usages de drogue douce plus tard, Dan devient une pièce du puzzle.

Dune part ailleurs

Quid du casting ? Jodorowsky voit loin. Salvadore Dali pour l’Empereur, il fallait oser. Et en dépit des exigences folles de l’icône du Surréalisme, le deal se conclut, en usant d’une parade pour amortir le coup. Un cachet élevé certes, calculé à la minute mais l’apparition ne serait que de courte durée. Habile. Pour le grand méchant de l’histoire ? Orson Welles, dont la physionomie de l’époque correspond à l’image du baron obèse.
David Carradine, la sublime Charlotte Rampling (ce détail est important !), Mick Jagger ou encore Alain Delon : l’artillerie est lourde. Très lourde ! Et la liste n’est pas exhaustive. Cela paraît complètement dingue et il y a une bonne raison pour cela : ça l’est. Plus étonnant encore, Jodorowsky choisit son fils pour incarner Paul et lui fera suivre un entraînement intensif. Pour faire quoi ? Du sport de combat. Juste pour entrer dans le rôle. Dune promet d’être incroyable !
Mais que serait un grand film sans une bande-son éclatante ? Le groupe Pink Floyd aux manettes appuyé par Magma, Mike Oldfield ou encore Tangerine Dream… un songe bon sang ! Plus de 10 heures de film prévues, une équipe composée des plus grands et une vision incroyable. Que peut-il bien arriver à la production ?
Dune ne sera jamais tourné. Jamais.
Dune à mites
Peut-être la mégalomanie, le dessein du projet ou la déraison prophétique de Jodorowsky ont eu raison de la production. Pour un budget prévu à 15 millions de dollars, Seydoux et le réalisateur n’en récoltent que 2/3. Pas moyen d’obtenir ces foutus 5 millions qui manquent ! La création ne passera pas le stade du concept art et des visuels de feu. Assurément, le film se déroulait déjà dans la tête de son concepteur ; insuffisant toutefois pour concrétiser la chose.

Au-delà du fantasme, pourquoi l’objet est devenu culte ? Pour les raisons précédemment évoquées, dont d’autres détails se trouvent çà et là. Ainsi, nous ne saurons que trop vous conseiller l’excellente chronique YouTube de François Theurel, alias “Le Fossoyeur de Films”, qui en parle amoureusement. Et pour aller encore plus loin, le documentaire de Frank Pavich, Jodorowsky’s Dune, est une mine d’or. En effet, le métrage conte l’histoire d’une oeuvre dingue inachevée.
Cependant, cet échec détient un paradoxe. En effet, il donnera naissance à d’autres fondations.
Dune à imiter
Pour son équipe tout d’abord : Ridley Scott aura d’ailleurs le nez creux ! Moebius pour la conception graphique, Giger à l’élaboration de la créature, Foss pour la création du vaisseau, O’Bannon au scénario…
La “Dream Team” recomposée pour Alien : Le 8ème Passager ! Pour le succès que nous connaissons.

Alors, inadaptable les pérégrinations d’Arrakis ? Lynch, après le barré Eraserhead, s’y risquera, à l’instar de Villeneuve en cette fin d’année 2020. Bien sûr, vous aurez compris que cela constitue la raison de notre article. L’analyse du trailer récemment sorti est vraiment vecteur de multiples questions. Mais cela est une autre histoire !
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