Rétro à tous les amis ! Une nouvelle fois, c’est le No Bloody qui vient vous parler. Fidélité et retranscription, telle est la question posée par le film The Shining de Kubrick. Retour sur un métrage culte sorti en 1980. Avec une petite dose de spoilers, même si depuis longtemps les spectateurs ont plongé dans l’antre de la folie !

Film culte pour un livre qui l’est tout autant

 

Adapter ce qui est, c’est assurément faire un choix. Pour retranscrire The Shining de Stephen King (paru en 1977), l’immense Stanley Kubrick a choisi l’éloignement de l’origine. Cosignant le scénario avec Diane Johnson, le réalisateur assume les différences qui se transformeront en divergences. Ainsi, l’incroyable écrivain fut attristé, au bas mot, par le métrage. Allant jusqu’à clamer publiquement son profond désaccord avant de produire une mini-série diffusée en 1997, bien loin de son modèle du 7ème art.

En effet, au-delà de leurs visions parfois diamétralement opposées, les 2 œuvres se répondent. S’il est évident que voir son embryon en pleine métamorphose provoque une réaction spontanée, nul doute qu’une approche bienveillante est une solution idoine. Si Kubrick a tranché sur certains aspects, jusqu’à en faire des coupes ou réinterpréter certaines personnalités et séquences, c’est pour une raison bien précise.

De tout cela ne restera que l’aura du film et du livre. 

Petits meurtres entre avis

 

Cependant, l’accueil fut parfois tiède en ce qui concerne la vision de The Shining de Kubrick pour de multiples raisons. Du reste, un piédestal. Enfin la gloire, 40 ans plus tard. Oui, nous prenons un coup dans les gencives : le film est sorti en 1980. Cela permet de définir ce qui est éternel et ce qui ne l’est pas, le delta de la violence visuelle ayant subi une lente transformation. Mais avant de rentrer dans ce débat, il s’agit de se souvenir. Si l’ami Stanley opte pour une vision neuve, c’est que le livre en lui-même est très personnel.

Parce que le roi King voit en Jack, le personnage principal, une forme de double. Une sorte d’autobiographie ? Le protagoniste central est un alcoolique invétéré, ce qu’était l’auteur à l’époque. Deux parcours différents et finalement, avec le recul, impossible de ne pas comprendre la démarche du monstre du cinéma ! Une volonté de faire une pellicule où le diable serait absent, et une rationalisation apparente qui cache la véracité du propos. Des images le confirment, mais à petite dose. Finalement, le surnaturel est là en se mêlant à la folie ambiante. Surtout, entre présence et hallucination, quelle est la limite ? Les 3 points de vue donnent un soupçon de réponse. On vous le dit : film culte !

Shining or not ? 

 

Effectivement, nous serions tentés de parler uniquement de la performance stratosphérique, si ce n’est prodigieuse, de Jack Nicholson. Une tronche, avec l’attitude surpassant la perfection où même l’incarnation de la folie ne se sentirait pas à l’aise. Beaucoup d’évocation sans besoin d’images marquantes. A cet égard, nul besoin d’un recours gore à la Cannibal Holocaust pour ressentir la peur.

Cela ne veut en aucun cas signifier que The Shining n’est pas esthétique, ni parfois franchement rude. La scène de la salle de bain est en elle-même significative, passant de l’érotisme à l’écœurement profond. Jusqu’au désir de passer à une autre séquence avec ce désir d’en finir. Une beauté séductrice qui évolue vers le pourrissement quasiment bestial. Comme une métaphore toute trouvée.

De plus, avec les années, nous serions tentés de dire que Kubrick respecte totalement l’œuvre de Stephen King. Finalement, il la modifie sans la rendre difforme. En ce sens, si l’addiction à la boisson n’est pas mise en avant, elle est évoquée avec tant de subtilité que nous avons oublié de la voir. Génie, quand tu nous tiens !

 

Infernale affaire : le culte de Shining

 

Il serait trop pompeux d’établir une liste de courses des opérations entre les 2 Shining. Toujours est-il que certaines marquent, comme cette absence de la scène des guêpes, pour des raisons peu évidentes. A l’image du fils Danny, si brillamment interprété par…Danny Lloyd, et du “garçon” qui l’accompagne, Tony. Matérialisé dans le livre, celui-ci ne vit qu’à l’intérieur de l’enfant. Une interprétation qui se retrouve jusque dans ce final ambigu, et finalement sans explication.

L’autre face qui dérange le puriste ? Un lieu qui n’est finalement pas un personnage à part entière au cinéma, en dépit d’une récurrence visuelle de l’ascenseur. Mais là où Stéphanou choisit d’être explicite, Stan entretient le flou que ce soit dans la constitution même de l’hôtel (autel ?).

Néanmoins, au-delà des plans magnifiques, le montage est une performance rarement atteinte et aboutie. Le visuel ne répond pas au sonore. Il s’accouple carrément avec ce dernier, donnant une synergie qui place The Shining sur le trône de l’immortalité. Un bien joli oxymore…

Shining queue, ni tête (normal pour un film de culte) 

 

Autre point où King et Kubrick ne seront pas réconciliés : le rôle de Wendy. Forte dans le bouquin, et un peu en retrait dans le film. Soumise, l’air parfois hagard. Toutefois, le fait que Shelley Duvall fut raillée pour sa performance semble injuste. Son personnage est construit comme tel et elle aussi tire son épingle du jeu dans ce huis-clos. Alors bien sûr, l’authenticité de ses cris peut laisser à désirer de nos jours. C’est pourquoi notre rétine doit se résoudre à développer une capacité d’adaptation selon l’époque proposée !

Certes, cela a de quoi surprendre. Par ailleurs, comment ignorer ses divers accoutrements, symboles de sa dégénérescence bien plus insidieuse que celle de Jack, plus prompt à basculer ? Probablement plus fragile. Or, la scène de la transmission n’est-elle pas non plus sa souffrance engendrée par l’isolement ? Le sujet est libre d’interprétation. Quoi qu’il en soit, et si nous omettons volontairement les actes de Jack, elle est bien la seule à heurter physiquement l’un des membres de sa famille. Tout bien pensé, la course-poursuite est peut-être aussi le meurtre indirect commis par Danny…

Le directeur culte  

 

En conclusion, que retenir du Shining de Kubrick ? Hormis le fait que si vous ne l’avez pas vu, il est temps d’y aller ! Fan ou non de la création de Stephen King. Une émancipation de son modèle ! Film d’horreur ? Ce serait être bien trop restrictif, tant le terme peut se retrouver galvaudé. Il s’agit d’un météorite impactant la psychologie du spectateur, en le poussant dans des retranchements énigmatiques. Une violence finalement plus pernicieuse, prête à jaillir.

La scène des jumelles, mondialement connue, n’est que la partie visible de l’iceberg. Comme si, un de ces jours, vous vous retrouviez face à cette inconnue si familière dans ses agissements, et finalement à l’opposée de l’être avec qui vous partagez votre couche. The Shining de Stanley Kubrick, c’est exactement cela. La phase rassurante qui explore tant de zones d’ombre ou de nouvelles parcelles, en choisissant d’en éluder certaines. Comme si ce sale gosse de chérubin se foutait de Lucifer en personne. Allez savoir…

Voilà les amis, c’est tout pour aujourd’hui ! Un chef-d’œuvre intemporel qui mérite toute notre attention. On revient rapidement pour d’autres aventures. D’ailleurs, ce sera avec vous !